La santé sexuelle des Français·es en 2023 – Entre faits et mythes

Dans cet article

7 faits sur la santé sexuelle des Français·es

Fin février 2023, le gouvernement français annonce une campagne de vaccination généralisée dans les collèges. La cible ? Le virus du papillomavirus humain (HPV), responsable de 2 900 cancers du col de l’utérus par an. En effet, comparée à ses voisins européens, la France affiche un taux de vaccination très bas.

Le manque d’information joue un rôle important. De nombreux parents et enfants n’ont jamais entendu parler du vaccin contre le HPV. Cette situation illustre bien les contradictions de la France sur l'éducation sexuelle. D’un côté, l’accès à la contraception est excellent. De l’autre, les jeunes comme les adultes sont souvent mal informés sur les IST.

Le nouveau rapport de ZAVA met en lumière 7 faits sur les Français·es et la santé sexuelle en 2023. Infections sexuellement transmissibles, méthodes contraceptives, sexualité des jeunes et seniors : découvrez ce que disent les dernières données.

Éducation sexuelle : quand Instagram remplace l’école

Selon l’article L.312-16 du Code de l’éducation, chaque établissement scolaire doit organiser trois séances d'éducation à la sexualité par an. L'objectif est de promouvoir une sexualité responsable et épanouissante, qui évite les comportements à risque. Les sujets abordés comprennent, entre autres :

  • Contraception
  • Prévention des IST
  • Usage des préservatifs
  • Sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles
  • Éducation au genre et à l’orientation sexuelle

Le problème, c’est que la loi n’est pas appliquée partout. Un sondage de l’Ifop mené par Sidaction révèle que 67 % des jeunes âgés de 15-24 ans n’ont pas bénéficié de toutes les séances prévues. 17 % d’entre eux n’ont même reçu aucun cours sur la sexualité. Pour cette raison, le 1er mars 2023, Sidaction, le Planning Familial et SOS Homophobie ont déposé une plainte contre l’État pour le contraindre à faire appliquer la loi.

Alors, comment font les jeunes pour s’éduquer ? D’après un sondage de Ramsay, 64 % des 15-25 ans se renseignent aujourd’hui par leurs propres moyens. C’est-à-dire : Internet, les réseaux sociaux et la pornographie. Les plateformes comme Instagram et Tik Tok deviennent des espaces d'éducation sexuelle non officiels. Ces démarches montrent la proactivité et l’indépendance des jeunes dans leur propre éducation, mais elles soulèvent aussi des questions sur la fiabilité de l'information disponible en ligne.

La syphilis, la gonorrhée et la chlamydiose gagnent du terrain

Ces dernières années, on assiste à une augmentation des cas de syphilis, gonococcie et chlamydiose. Les associations pointent du doigt les défaillances en éducation sexuelle et les mythes sur les IST. Pendant la pandémie de Covid-19, le taux de tests de dépistage à IST a aussi baissé.

Infographie progression IST en France
  • Syphilis

Les cas de syphilis sont passés de 2.500 à 3.300 entre 2020 et 2021. La syphilis est une IST provoquée par la bactérie Treponema pallidum, souvent caractérisée par l'apparition d'un ulcère, le chancre, sur les organes génitaux. Le préservatif est le meilleur moyen de se protéger, mais il faut aussi se faire dépister régulièrement, notamment les personnes qui envisagent d'arrêter l'utilisation du préservatif.

Le traitement repose sur les antibiotiques, surtout la pénicilline G. La méthode d'administration et la fréquence dépendent de l'ancienneté et de la gravité de l'infection. Même après un traitement réussi, une réinfection est toujours possible si on continue d’avoir des rapports sexuels non protégés.

  • Gonorrhée

La gonorrhée ou gonococcie (aussi appelée « chaude-pisse ») progresse avec une augmentation des cas de 38 % entre 2020 et 2021. C’est une IST causée par la bactérie Neisseria gonorrhoeae. Elle est courante chez les jeunes adultes, surtout les hommes, et se transmet par les relations sexuelles non protégées et lors de l'accouchement par une mère infectée.

Le traitement typique consiste en une injection unique de ceftriaxone. Si nécessaire, un traitement oral est utilisé. Un antibiotique complémentaire contre l'infection à Chlamydia est systématiquement prescrit, car ces deux IST sont souvent associées. Il faut faire une consultation de suivi une semaine après le traitement pour confirmer la guérison, car on constate de plus en plus de cas de résistance du gonocoque aux antibiotiques.

  • Chlamydia

La chlamydia est une des IST les plus répandues en France. En 2021, le nombre de personnes diagnostiquées a augmenté de 15 %. Provoquée par la bactérie Chlamydia trachomatis, elle est souvent asymptomatique. Pour traiter l'infection après confirmation par test de dépistage ou suite au diagnostic d’un partenaire positif, les médicaments de premier choix sont l'Azithromycine et la Doxycycline.

Le préservatif, féminin ou masculin, est le moyen le plus sûr de se protéger contre la Chlamydia. Il est recommandé de faire des tests de dépistage à IST régulièrement. Un mois après le traitement, un test de contrôle peut être réalisé pour confirmer la guérison.

Le vice de cette infection est qu’elle tend à être diagnostiquée tardivement et de manière opportuniste du fait de sa forme très souvent asymptomatique. Il n’est pas rare qu’on ne la découvre que lors de bilans de fertilité par exemple. Très contagieuse, elle se transmet ainsi silencieusement pendant des années or il est important de l’éradiquer, car elle peut avoir des conséquences dramatiques. Un dépistage régulier, notamment lors de rapports avec de nouveaux partenaires ou avec des partenaires multiples est la seule façon de les éviter.

Sophie Albe-Ly, Médecin généraliste chez ZAVA.

Papillomavirus : la vaccination stagne

C’est l’IST la plus fréquente en France. Le HPV est responsable de 6 300 nouveaux cas de cancer chaque année. Les cancers du col de l'utérus, de l'anus, de la gorge, et certains cancers du pénis et de la vulve sont directement liés à ce virus. Environ 75 % des cancers provoqués par le papillomavirus touchent les femmes. La prévention passe essentiellement par la vaccination, remboursée par l’Assurance maladie à 65 %.

Mais la France accuse un retard important dans la vaccination. Moins de la moitié des jeunes filles de 15 ans (45,8 %) sont vaccinées. La situation est encore plus grave pour les garçons de 15 ans, vaccinés à seulement 6 %. C’est seulement depuis 2021 que la recommandation pour la vaccination a été étendue aux garçons. Une information que beaucoup de Français·es ignorent.

Pourquoi ce retard ? La France est connue pour ses taux élevés de vaccino-sceptiques et le vaccin anti-HPV ne fait pas exception. Cette défiance a empiré depuis la pandémie de Covid-19. D’après une enquête de la Ligue contre le cancer, 24 % des Français·es ne sont pas convaincus par la vaccination contre le papillomavirus. Les femmes sont une des catégories les plus sceptiques. C’est d’autant plus préoccupant qu’elles sont les premières concernées pour le cancer du col de l’utérus.

Les réticent·es expliquent leur hésitation par « le manque de recul » et « les risques d’effets secondaires ». Alors que le vaccin est disponible depuis 2007 et a prouvé son efficacité dans d’autres pays, comme la Suède. Cela montre l’importance d’une meilleure éducation et communication sur le sujet.

Un autre problème contribue aux faibles taux de vaccination : les limites de la prise en charge. Le remboursement est réservé aux jeunes filles âgées de 11 à 19 ans révolus. Or, les femmes de plus de 50 ans sont plus exposées au risque de contracter un cancer du col de l’utérus. Les recommandations et campagnes de prévention négligent cette population.

“Les cancers causés par le papillomavirus sont les seuls cancers pour lesquels il existe une vaccination préventive, qui permet de réduire significativement le risque. Cela concerne aussi bien les femmes que les hommes et l’autre avantage du vaccin est qu’il diminue également le risque de développer des verrues génitales, bénignes mais qui peuvent être gênantes. Alors qu’en France le vaccin est recommandé jusqu’à 14 ans (19 en rattrapage)- l’idée étant de vacciner avant les premiers rapports car il ne protège pas des souches déjà contractées-, on le prescrit à nos patients jusqu’à 45 ans dans d’autres pays où nous travaillons, comme le Royaume-Uni. Nous constatons souvent chez les patient-e-s français-e-s un grand manque d’information sur le sujet.”

Sophie Albe-Ly, Médecin généraliste chez ZAVA.

Le VIH : encore trop de jeunes sont mal informés

D'après le dernier rapport de Sidaction, le pays a enregistré 5 013 nouveaux cas de VIH en 2021. Plus de la moitié des cas touchent des personnes hétérosexuelles, 44 % touchent des hommes homosexuels et 2 % des personnes transgenres.

Là encore, on constate des lacunes dans l’éducation sexuelle. 31 % des jeunes Français·es de 15-24 ans sont mal informés sur le VIH (transmission, traitements, prévention…). Les sujets où l’information manque le plus sont les traitements pour personnes séropositives et l’existence des autotests de dépistage. Surtout, 50 % ignorent qu’une personne séropositive sous traitement ne peut pas transmettre le virus.

Malgré ces lacunes et le nombre élevé de cas, l’avenir offre des perspectives optimistes avec le développement de technologies comme CRISPR et les vaccins à ARN messager. Plusieurs laboratoires explorent la voie des vaccins. Mais la route est encore longue, car le VIH est intégré génétiquement à l’ADN des cellules qu’il infecte, et donc compliqué à cibler.

En revanche, l’outil de modification des gènes CRISPR permettrait de couper directement l’ADN que le VIH intègre dans les cellules infectées. Les premiers tests ont obtenu des résultats prometteurs avec des souris et des singes.

Si ces solutions ne sont pas pour demain, elles donnent espoir d’éradiquer un jour complètement le virus.

“On ne peut nier que les traitements ont énormément évolué : actuellement, avec un dépistage précoce, ils permettent aux personnes séropositives d'avoir la même espérance de vie que les personnes non séropositives, et de ne pas transmettre le virus. De plus, nous disposons maintenant de traitements préventifs (PreP) ou d’urgence post exposition (TPE). Néanmoins, cela ne doit pas être une raison pour relâcher le dépistage : le nombre de porteurs du virus qui s’ignorent reste élevé et sans traitement curatif, le dépistage est aujourd’hui l’unique voie pour enrayer la transmission.”

Sophie Albe-Ly, Médecin généraliste chez ZAVA.

Contraception féminine : la pilule, préférée mais contestée

La pilule contraceptive est la méthode de contraception préférée des jeunes Françaises (44 %), suivie par le préservatif (20 %). D’après Santé Publique France, le schéma contraceptif français est le suivant : la vie sexuelle commence avec le préservatif, puis la pilule prend le relai quand les relations sont régulières. Plus tard, quand elles ont déjà des enfants et n’en veulent pas d’autre, les femmes choisissent le stérilet.

Mais les controverses de ces dernières années autour de la pilule et ses effets indésirables (réels ou supposés) ont eu un impact. Une étude de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) montre une baisse significative des ventes de pilule de 3ème et 4ème génération entre 2012 et 2020. Ces pilules ont été associées à un risque accru de thrombose. Les pilules de 1ère et 2ème génération inspirent plus confiance aux utilisatrices.

D’après un sondage de BVA, bien que la majorité des jeunes femmes s’estime bien informée sur la contraception, 1 sur 2 aimerait malgré tout disposer d’informations complémentaires. Parmi elles, 36 % souhaitent avoir accès à un tableau complet des avantages et inconvénients des différents contraceptifs. 35 % veulent plus d’informations sur leurs effets indésirables.

Sinon, une note positive : selon l'Atlas de la contraception 2023, la France se classe au 2ème rang européen pour l'accès à la contraception (après le Royaume-Uni). Cette position est due au remboursement de la pilule mais aussi à la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans. Depuis 2023, la pilule du lendemain est aussi devenue gratuite et disponible sans ordonnance.

Contraception féminine en France 2023

Pilule masculine : la contraception du futur ?

Un sondage du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et hommes révèle que la majorité des Français·es ne pensent pas que la contraception est uniquement une affaire de femmes. Cela montre une évolution claire des mentalités, car la charge mentale de la contraception a longtemps incombé aux femmes.

Le comportement des hommes reflète cette évolution : entre 2010 et 2021, le nombre de vasectomies est passé de 1 908 à 23 306 (soit une augmentation de + 964,26 %).

Et la pilule masculine ? D’après une étude de 2021, 37 % des hommes seraient prêts à l’utiliser. Et la science progresse. Début 2023, des scientifiques ont obtenu des résultats prometteurs avec une pilule non-hormonale testée sur des souris.

Au-delà de la pilule masculine, les scientifiques continuent à explorer d’autres méthodes contraceptives pour plus d’efficacité et moins d'effets secondaires. À quoi ressemblera la contraception du futur ? Voici quelques possibilités :

  • La pilule « de la veille » : une pilule qui perturbe l'ovulation avant les rapports sexuels.
  • La pilule sans hormones : il serait théoriquement possible de retirer 92 % des hormones de la pilule sans nuire à son efficacité. Mais cela ne marcherait pas avec tout le monde.
  • Les injections de gels : cette méthode de stérilisation réversible pour les hommes entrave le parcours des spermatozoïdes.

Santé sexuelle des seniors : les préjugés ont de graves conséquences

Le sujet de la sexualité des seniors est souvent négligé dans les discussions sur la santé sexuelle. Dans l’imaginaire collectif, les seniors n’ont tout simplement pas de sexualité. Mais la réalité est très différente. D'après un sondage Ifop, 39 % des seniors célibataires âgés de 50 à 69 ans ont eu des relations sexuelles dans les 12 derniers mois, contre 42 % des jeunes célibataires.

Et comme pour toutes les autres tranches d’âge, cette activité sexuelle comporte des risques. C’est d’autant plus vrai pour les seniors qu’ils ont tendance à se passer de préservatifs, car la contraception n'est plus nécessaire. Cette pratique augmente leur exposition aux IST. Ainsi, 38 % des seniors infectés par le VIH découvrent leur séropositivité à un stade avancé d’infection.

Santé sexuelle des seniors 2023

À cause des préjugés, les professionnel·les de santé ne voient pas les personnes âgées comme étant à risque. Ils ne pensent donc pas à proposer des dépistages ou à donner des conseils pour se protéger. Les seniors sont aussi oubliés des campagnes de prévention, qui se focalisent sur les jeunes. Or, leur système immunitaire plus faible rend les seniors beaucoup plus vulnérables.

Heureusement, les choses changent. En 2022, une campagne de prévention destinée spécifiquement aux seniors a été lancée par Sidaction. Cette initiative est un premier pas vers une prise en compte sociétale de la sexualité à tout âge, loin des préjugés. À 15 ans comme à 70, nous devons tous nous protéger !

Conclusion

L’essor des infections sexuellement transmissibles et les controverses autour de la pilule montrent l’importance d’une meilleure communication sur la santé sexuelle en France. Internet et les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle mais le risque de désinformation est grand. Et les jeunes ne sont pas les seuls concernés. Contrairement aux idées reçues, la sexualité ne diminue pas avec l’âge. L’éducation sexuelle se fait tout au long de la vie.

L’enjeu n’est pas seulement de donner des informations fiables, il faut aussi s’interroger sur la meilleure façon de les présenter. Une analyse de The Pleasure Project, le département de santé sexuelle et reproductive de l’OMS, suggère un nouvel angle : le plaisir. Cet aspect est rarement évoqué dans les programmes d’éducation sexuelle. Or, des études indiquent que parler du plaisir sexuel améliore la prévention.

Enfin, il faut plus de données ! En France, on compte peu de sondages réguliers sur la sexualité et la santé sexuelle. Méthodes contraceptives, attitudes liées à la sexualité et au corps, persistance des préjugés… plus on aura d’informations, meilleures seront les solutions pour promouvoir une sexualité sûre et épanouissante, pour tout le monde et à tous les âges.

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